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Travailleurs au poste #3 : les oubliés du Covid-19

Travailleurs au poste #3 : les oubliés du Covid-19

Planète avec des mains et un masque (Covid-19)

Alors que le Covid-19 frappe à nos portes, certains Français les ouvrent tous les matins pour aller travailler. En effet, pendant que l’on saigne les tréfonds de Netflix et que certains ont la chance de pouvoir télétravailler au chaud depuis leur canapé, d’autres n’ont pas le choix et doivent toujours se déplacer. Le Pépère News est parti à leur rencontre. [Certains prénoms ont été modifiés, ndlr]

Il y a ceux qui soignent, ceux qui nourrissent, et puis enfin, il y a ceux auxquels on pense moins, peut-être car on les voit moins. Peggy, responsable dans un refuge à la SPA, Charles, correspondant dans un journal, Christophe, directeur d’une société de services en télécommunication, Pierre, employé dans une usine automobile, Kilian, sapeur pompier volontaire (SPV), Xavier, conducteur de bus… Et la liste est encore longue.

“Tenir la barre du bateau, même pendant les tempêtes”

Pour tous, l’activité est très réduite, les clients se font plus rares. Contrairement à ce qu’on peut lire sur les réseaux sociaux, Peggy ne constate pas d’abandons d’animaux plus fréquents : « Nous n’avons que très peu d’entrées [d’animaux]. » De son côté, Pierre estime que le manque de clients entraînera la fermeture de l’usine : « Si on s’arrête, ça ne sera pas à cause du Covid-19, on s’arrêtera parce que nos clients auront arrêté leurs demandes. » Pour Christophe aussi les clients manquent. Cela lui laisse plus de temps pour gérer la situation, ce qui occupe « 75% de [son] temps de travail« . Victor, directeur des opérations pour un grand groupe de traitement d’eau, constate également une baisse de son activité : « On dépanne des installations qui vont servir à produire de l’eau ultra pure dans les hôpitaux ou établissements de santé. Pour les hôpitaux on a moins d’interventions mais on essaye d’être disponibles en cas de demande d’urgence. Mais certains hôpitaux nous interdisent l’accès au site. Les demandes sont globalement en baisse.« 

Compliqué d’arrêter de travailler pour ces courageux employés. Dans l’usine où Pierre travaille, les employés qui ne souhaitent pas travailler mais qui n’ont pas de problèmes de santé sont « considérés en abandon de poste« . C’est, pour Pierre, une forme de civisme que de travailler tant qu’on ne le lui interdit pas, « parce qu’il faut faire fonctionner l’économie aussi, les trésoreries sont sans doute un peu vides et il y a beaucoup d’entreprises en France qui n’ont pas les reins très solides. Moi je tiens à avoir mon salaire à la fin du mois comme tous mes collègues donc si on suit les consignes tout devrait bien se passer. » Pour Victor, pas question d’arrêter son activité : « Pour le bon fonctionnement des hôpitaux, on a intérêt à continuer de travailler.« 

Charles explique que beaucoup de journalistes travaillent depuis chez eux, et que par sécurité lui-même ne se déplace que rarement. Pour autant, un journaliste correspondant se doit de se déplacer. « Mon activité est revue à la baisse… mais je veille, car l’info continue !«  La majorité des employés de Christophe, comme la plupart des Français à l’heure actuelle, sont en télétravail, mais 40% doivent encore se déplacer. Pour lui la question ne se pose pas, en tant que directeur il se doit de « tenir la barre du bateau, même pendant les tempêtes ». Prudence tout de même : au bureau, il met à disposition « masques, gel hydroalcoolique, désinfectant, et sprays anti-bactériens«  pour éviter la propagation du virus. Victor a dû gérer une organisation précise dans son entreprise pour la sécurité de tous : « On a organisé de manière à ce qu’il y ait plusieurs équipes et qu’elles se croisent le moins possibles entre nos deux sites, avec des horaires décalés.«  À la SPA aussi, les employés sont séparés en deux petites équipes et évitent toute interaction. Peggy raconte : « Nous ressentons juste un manque des collègues et de bénévoles que nous n’acceptons plus, pour leur bien.«  Comme Charles nous l’écrit : « On est prudents, très prudents, et on donne tout ce qu’on peut !« 

Les transports en commun résistent

Affiche extérieure et intérieur barré du bus de Xavier.
Crédits : Xavier, conducteur de bus

Xavier a 59 ans et est conducteur de bus pour la RATP à Paris. « Ce qui change beaucoup chez nous c’est que tous les bus commencent au Centre-bus et finissent également là-bas, afin qu’à chaque fois qu’ils rentrent ils puissent être nettoyés.«  Si ce chauffeur précise qu’il ne dispose pas de masque, ce n’est pour lui pas un problème : « Depuis le 15 mars, la montée et la descente se font par les portes arrières, et nous on se sécurise en fermant le portillon et en montant la vitre de protection. On ne vend pas non plus de titres de transports directement, il n’y a donc aucun échange avec les voyageurs.«  Conducteur de métro en Île-de-France, Frédéric n’est pas du même avis. Il nous explique que « pas mal de collègues ont peur de venir travailler, car nous travaillons en souterrain très peu ventilé.«  Même si les locaux sont désinfectés, « la peur est là : le métro est un nid à microbes.«  Le conducteur de métro accuse la RATP : « Elle n’a pas fait ce qu’il fallait dès le début et ce n’est toujours pas suffisant. J’ai des collègues qui vendent des tickets ou renseignent les voyageurs, ils n’ont ni masques, ni gants. »

L’offre de transport a baissé de l’ordre de 20 à 30% pour Xavier : « On roule quasiment à vide. On passe pas loin de la Salpêtrière donc c’est aussi pour ça que notre ligne continue à rouler. Mais certaines lignes de bus sont carrément à l’arrêt.«  Mais ce n’est pas le cas de tous les employés : « La loi nous interdit de nous mettre nous-mêmes en arrêt, pas de droit de retrait. On est un service public, c’est comme les médecins qui sont obligés d’aller au combat, au front. » Frédéric, lui, constate que « les salariés tombent un par un. Soit ils ont le dispositif maintient à domicile pour la garde des enfants, soit ils se mettent en grève par peur, quitte à perdre énormément d’argent« .

Prospectus d'indications à respecter pour les conducteurs de bus, dans le poste de conduite du bus de Xavier
Les conducteurs de bus sont informés sur les gestes à adopter contre le Covid-19. Crédits : Xavier

Des travailleurs au service des hôpitaux

Kilian est SPV depuis maintenant trois ans. « Je suis dans un centre de premier secours, où on est douze volontaires, on fait principalement du secours à la personne. » Dès qu’il a eu vent du confinement, il est, comme bon nombre d’étudiants, rentré chez lui « pour être avec ma famille mais aussi me rendre utile et me mettre d’astreinte ou de renfort. Dès que je suis rentré j’ai fait une intervention, on avait pas de masque, rien ». Mais comme le rappelle Kilian, enfermés ou non, la vie continue : « Dernièrement on nous a annoncé qu’on nous appellerait plus sur du secours à personne, ce qui veut dire sur 3/4 de nos interventions, car on a pas d’ambulance, plus précisément de VSAV. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que le virus, des personnes continueront à se blesser, à faire des malaises ou bien des arrêts cardiaques et j’ai l’impression qu’on les oublie. Il faut savoir que pour un arrêt cardiaque, quand on intervient, on a 10-15 minutes d’avances avant qu’un VSAV d’une autre caserne arrive, donc ça peut sauver une vie.«  Masques à disposition, les pompiers ne chôment pas et sont parmi les plus exposés : Kilian a d’ailleurs attrapé le virus, peut-être au cours d’une de ses missions. Il va maintenant mieux mais doit attendre un certain délai avant de pouvoir rejoindre ses collègues en rouge. 

Meissan, elle, travaille dans une crèche. Depuis le 17 mars, « un service d’accueil minimum est mis en place pour accueillir les enfants du personnel soignant n’ayant aucun autre moyen de garde.«  Meissan doit donc se déplacer pour garder les enfants : « Une liste du personnel « mobilisable » pour assurer cet accueil a été établie et les professionnels viennent travailler à tour de rôle, en limitant à deux professionnels et dix enfants maximum par jour.«  Elle précise cependant que le nombre d’enfants à accueillir est « très faible, entre deux à trois par jour, pour le moment.«  

Souhaitons tous du courage à tous ces travailleurs, obligés de se déplacer malgré la crise sanitaire.

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