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Élections régionales, « l’abstention peut être un choix politique conscient »

Élections régionales, « l’abstention peut être un choix politique conscient »

Bureau de cote 622, Lille © Célia Consolini / PépèreNews

Dans les Hauts-de-France, comme sur l’ensemble du territoire national, le taux d’abstention au premier tour des élections régionales et départementales est historique. Dimanche, moins d’un français sur trois s’est rendu aux urnes. Une bérézina démocratique loin d’être apolitique selon Emmanuel Cherrier, maître de conférences en sciences politiques.

Dimanche 20 juin 2021, 8h, les bureaux de vote s’ouvrent dans les différentes communes de France. Plus de 47 millions de français sont attendus aux urnes pour les élections régionales et départementales.  À 18h, les plus petits bureaux de vote ferment et commencent le début de dépouillements plutôt brefs. À 20h suivent les plus gros bureaux de vote et le verdict tombe : l’abstention est historique. Si les sondages annonçaient une abstention massive, le ministère de l’Intérieur en officialise 66,73%. Du jamais vu. Immédiatement, beaucoup ont parlé de « démocratie malade », quand d’autres se sont mis à chercher des responsables parmi la Covid-19, la Fête des Pères ou encore la distribution ratée des professions de foi.

Pour Emmanuel Cherrier, les causes sont moins anecdotiques. « Les citoyens comprennent mal l’intérêt des élections régionales et départementales car ils cernent mal les compétences de ces collectivités, ainsi ils estiment que la seule différence entre les candidats relève de leurs ambitions personnelles », explique-t-il tout en soulignant que la présidentialisation du régime depuis 1958 exerce un effet important. Pour certains Français, le président de la République semble « faire quasiment tout » comme en témoignent les surnoms donnés à Emmanuel Macron (Jupiter) et Nicolas Sarkozy (hyper-président).  Mais, selon le maître de conférences en sciences politiques, il est encore trop tôt pour parler de « démocratie malade ». La France semble avoir plutôt à faire à « une remise en question des institutions intermédiaires entre la commune et le sommet de l’État »  de telle sorte que l’abstention apparait être « un choix politique conscient ». 

Abstention politisée

« La politique profonde ne se limite pas à voter » raconte Emmanuel Cherrier persuadé que les plus grands abstentionnistes bouillonnent d’intérêts politiques. Si, selon Ipsos, 87% des 18-24 ans se seraient abstenus dimanche, le maître de conférences énumère les récentes marches des jeunes pour le climat, l’activisme sur internet ou encore les manifestations lycéennes et étudiantes pour rappeler que la jeunesse n’est ni désintéressée ni indifférente à la politique. « La forme électorale ne les séduit pas vraiment » explique-t-il au sujet des jeunes, mais aussi des ouvriers et des employés, dont 75% ne se seraient pas rendu aux urnes.

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Moins de 35% des électeurs se sont déplacés aux urnes lors du premier tour des élections régionales dimanche dernier. © Célia Consolini

Pas moins politisés que les 18-24 ans, nombreux sont les ouvriers et les employés abstentionnistes à avoir formé le mouvement des gilets jaunes de 2018-2019 en quête de démocratie directe avec la revendication du RIC (Référundum d’Initiative Citoyenne). « L’insatisfaction envers la démocratie uniquement représentative » qui oblige le peuple électeur à sans cesse déléguer sa souveraineté devient un moteur de l’abstention, analyse Emmanuel Cherrier. À l’instar d’Anne Muxel qui dans Le jeu théorise le concept d’abstentionnisme comme une abstention politisée. À ce titre, l’abstentionniste est un citoyen doté de connaissances politiques, capable de voter quand l’enjeu lui semble important; mais qui ne vote pas quand ça lui semble sans intérêt ou sans risque. 

Hauts-de-France, abstention et recul du RN

Avec 67,2% d’abstention dans les Hauts-de-France, l’analyse d’Emmanuel Cherrier semble se confirmer. Dans la région fief du Rassemblement national (RN), dont la liste portée par Marine Le Pen en 2015 était arrivée en tête au premier tour des élections régionales, les électeurs du mouvement d’extrême droite ont préféré rester chez eux dimanche 20 juin. Ils estiment qu’aller voter ne changerait pas leur vie car « on leur a dit que [l’immigration, la sécurité et l’emploi] n’étaient pas des compétences de la région » s’indigne Sébastien Chenu, tête de la liste « Une région qui vous protège » (RN).

Mais, c’est la défaite de Marine Le Pen face à Xavier Bertrand au second tour des élections de 2015 qui a dissuadé les sympathisants du Rassemblement national à aller voter dimanche. C’est suite au ralliement des forces de gauche à la liste Les Républicains-UDI-Modem que Xavier Bertrand est devenu président de région il y a 6 ans. Le gout amer de la défaite de Marine Le Pen est alors resté en travers de la gorge de ses électeurs qui dénoncent un barrage constant contre la présidente du RN. 

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