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Le dernier mot – Stéphane Baly : “Le temps de l’écologie municipale est venu”

Le dernier mot – Stéphane Baly : “Le temps de l’écologie municipale est venu”

Stéphane Baly Lille Verte 2020

À quelques jours du second tour des élections municipales à Lille, le Pépère News s’est entretenu une dernière fois avec le candidat écologiste Stéphane Baly. L’occasion de revenir sur cette (longue) campagne électorale, une campagne inédite pour les Verts. 

En plein dans la dernière ligne droite, l’équipe de “Lille Verte 2020” n’arrête plus. Entre la réception de deux figures nationales de l’écologie venues soutenir leurs poulains, la tête de liste Stéphane Baly nous a accordé un dernier entretien afin de revenir sur une campagne longue de plus d’un an, et qui se terminera ce dimanche 28 juin.

Pépère News : Le lundi 3 juin 2019, vous avez été désignés avec Stéphanie Bocquet pour porter la liste écologique aux élections municipales à Lille. Plus d’un an après, quel regard portez-vous sur cette campagne ?

Stéphane Baly : Si l’on reprend rétrospectivement, le 3 juin 2019, Europe Écologie – Les Verts (EELV) se mettait en ordre de bataille en direction du beffroi. Puis on a eu tout une construction jusqu’à Noël 2019 qui a été la constitution de “Lille Verte 2020”, qui est le fruit d’un rassemblement de cinq partis écologistes. Ce fut un travail assez long, de maturation et de partage, où chaque militant est venu avec son histoire, avec son drapeau, pour avoir au final aujourd’hui cette liste qu’est “Lille Verte 2020”, que l’on pourrait à la fois qualifier de “coopérative” et de “biodiversité politique”.

Il y a un an, est-ce que vous imaginiez être aussi haut dans les scores, prêt à prendre le beffroi à Martine Aubry, votre alliée de toujours ?

En mai 2019, il y a la première vague verte aux élections européennes. Il y a même en amont les marches pour le climat, la question de la qualité de l’air à Lille avec une pétition qui recueille près de 10.000 signatures, la question de Saint-Sauveur qui émerge et qui crée un sursaut. On sent alors que l’on est en prise avec les aspirations locales. Le 22 octobre 2019, j’échange avec un journaliste de l’AFP et je pose clairement que le match sera entre Aubry et Baly. J’ai été un peu raillé, gaussé. On disait : “Baly prend le melon”. Finalement, quand on regarde huit mois plus tard… quelle acuité, quelle vision prémonitoire !

Dès la fin de l’année 2019, Stéphane Baly et ses colistiers de “Lille Verte 2020” ont accéléré leur campagne afin de convaincre un maximum d’électeurs lillois. © Martin Hortin

On dit souvent que le temps de l’écologie est venu. En juin 2020, c’est peut-être le temps de l’écologie municipale. Il y a eu précédemment Grenoble, Montreuil, ou dans notre région Loos-en-Gohèle et Grande-Synthe, mais là, des grandes villes peuvent construire cette écologie municipale. Je pense vraiment que le temps de l’écologie municipale est venu. Le fameux “penser global, agir local”.

La plupart des candidats s’étant présentés aux élections municipales à Lille ont verdi leur programme. Est-ce que ça a été compliqué de faire entendre votre voix, celle de l’écologie, au milieu de discours qui se ressemblent de plus en plus aux yeux d’un électeur lambda ?

C’était un vrai débat. Certains parlaient “d’usurpation” ou pensaient qu’on allait se faire doubler sur nos fondamentaux. Mais j’ai toujours été plutôt confiant en considérant que si le débat à Lille se faisait autour des questions environnementales et écologiques, ce serait gagnant pour nous. Et force est de constater que cela fonctionne parce que soit il manque de la cohérence, soit il y a le problème de la constance. En la matière, j’ai l’atout de cette constance et de débats portés depuis des décennies. Pour l’anecdote, la veille du premier tour, je vais faire des courses chez un commerçant. On discute un peu et il me lâche : “Martine Aubry n’est pas écolo, ça se saurait !” Finalement, quand vous faites des gesticulations et que vous courrez chez le pépiniériste la veille d’une inauguration, je pense que c’est plutôt contre-productif. Mieux vaut l’original à la copie.

Vous ne craignez pas que toutes les mobilisations pour le climat ne se traduisent pas par des votes écolos ?

Le vote écolo, ça n’implique pas que les questions environnementales ; c’est aussi un certain nombre d’éléments sociétaux, ou encore la question d’une économie durable… Sinon ce n’est pas de l’écologie, mais de l’environnement, voire de la nature. Ce n’est pas la même chose. L’écologie sera ce qu’a été le socialisme au 20ème siècle : ce projet durable, émancipateur et même incontournable. Il sera, ou nous ne serons plus là.

Nombre de vos opposants vous accusent de vouloir faire la guerre à la voiture. Que leur répondez-vous ?

Déjà, 42% des Lillois n’ont pas de voiture. Par contre 100% des Lillois ont besoin d’un air de qualité juste pour vivre. Je pense aux deux autres candidates qui nous parlent de verdir un peu la ville, de faire des pistes cyclables, éventuellement un tramway… Elles ne parlent jamais de la place de la voiture. À un moment donné, la cohérence et le courage c’est de se libérer de la voiture. Ça ne veut pas dire la supprimer ; plutôt qu’elle a sa place, mais plus toute la place. C’est une question climatique, car les transports constituent le premier poste émetteur de CO2. “Pas touche à ma bagnole”, c’est être dans le déni climatique, c’est ignorer les 1.700 décès prématurés par an sur la MEL.

“Franchement, est-ce que c’est un atout pour le tourisme de boire une bière en terrasse à la Grand’Place avec des bagnoles qui passent à 50cm ? Je n’en suis pas certain.” – Stéphane Baly, tête de liste “Lille Verte 2020”

Par contre, à la différence de Violette Spillebout, qui porte comme nous la question de la piétonnisation d’une partie du centre de Lille, il s’agit aussi d’apaiser les dix quartiers de Lille, et pas que l’hyper-centre. Parce que sinon, c’est la “ville Instagram” ! L’enjeu, c’est de faire une ville pour les Lillois, pas une ville-musée pour les touristes.

Et aux commerçants qui ne veulent pas de piétonnisation de leur secteur ?

L’argument sur le commerce est assez fabuleux. Pendant des décennies à Lille, on nous a dit : “il faut maintenir les voitures pour le commerce”. Et là, à une période post-confinement, on piétonnise pour le commerce. Donc je suis quand même très interrogatif. On voit en plus le succès absolument incroyable qu’il y a eu les samedis où cela a été fait.

N’avez-vous pas peur que certaines de vos mesures puissent être plus compliquées à mettre en place que prévu ?

C’est peut-être aussi le discours de la méthode : on le fait ensemble ou on le fait contre ? Évidemment, quand vous opposez la nature au logement, les quartiers périphériques aux quartiers centraux, forcément, vous clivez. Si vous prenez la problématique à bras le corps, même avec un certain nombre d’intangibles, derrière, vous avez une phase de co-construction et de co-élaboration. On est sur un projet où on doit assumer certaines ruptures mais en le faisant de façon rassemblée.

Débat des municipales 2020 à Lille, Martine Aubry et Stéphane Baly - 25/02/2020
Hier alliés, aujourd’hui ennemis. Personne n’aurait imaginé qu’écologistes et socialistes lillois se déchireraient à ce point. Et Stéphane Baly encore moins. © Quentin Saison

J’aurai besoin d’une opposition non pas qui s’oppose de façon bête et méchante mais qui participe et qui soit là aussi pour borner les choses. Je donnerai à l’opposition la présidence de la commission budget ; c’est ce qui se fait à l’Assemblée nationale et ça me paraît normal. Je ne me trompe pas : je serai bien le chef d’orchestre, mais je partagerai l’information. Nous serons élus dans un scrutin où personne ne fera 50% avec une forte abstention. Le fait de dialoguer, d’entendre ce que portent les groupes d’opposition me semble indispensable.

Comment comptez-vous peser sur les décisions qui seront prises par la MEL ?

Avec un groupe important, d’une trentaine d’élus. Néanmoins, on a aujourd’hui un certain nombre de personnes qui ont fait part de leurs velléités pour être président ; si c’est pour porter un projet d’une métropole durable, on est peut-être en tant qu’écolos pleinement légitimes pour être animateurs de ce projet. Mais ça ne sera pas moi, parce que je suis contre le cumul des mandats. Donc en tant que maire de Lille, je ne serai pas vice-président de la MEL, et encore moins président.

Quelle place occuperont les étudiants à Lille si vous êtes élu maire ?

Une place clairement assumée. On a 1/4 de la population qui est étudiante. On doit avoir une ville qui assume pleinement son rôle de ville universitaire, ce qui n’est pas le cas ; aujourd’hui, on ignore, voire on n’accepte pas 1/4 de la population. Je ne serai pas candidat à ce que toutes les écoles et universités viennent à Lille, mais il y a cette richesse qui est là aujourd’hui. Les universités et écoles sont des emplois non délocalisables, la consommation des étudiants est non délocalisable, donc oui, ça irrigue aussi l’économie.

“Le rôle de la mairie est de faire que l’étudiant à Lille soit un Lillois à part entière, et non pas perçu comme une source de nuisance avec un strapontin.” – Stéphane Baly

L’enjeu est de faire en sorte que les étudiants puissent participer au tissu associatif, à la vitalité de la ville. Il y a tout un travail à faire avec les BDE [Bureaux Des Élèves, ndlr.] ; il ne s’agit pas de s’immiscer dans la vie étudiante mais de faire en sorte que les BDE puissent travailler entre eux, aient connaissance de ce qui se fait et puissent être pleinement acteurs. Et je vois cela comme une réelle opportunité.

Quelle place accorderez-vous à Hellemmes et Lomme dans votre politique ?

Lomme et Hellemmes sont les deux scories d’un projet politicien inachevé ; il s’agissait surtout d’aller chercher des réserves de voix socialistes tant à l’est en 1977 qu’à l’ouest en 2001. Aujourd’hui, il y a une inégalité de services publics. Donc ce que nous proposons avec mes collègues Véronique Deplanque à Lomme et Simon Jamelin à Hellemmes, c’est un partenariat renouvelé, un partenariat pour la transition. La question n’est pas de savoir s’il faut faire un “HellemmesExit” ou un “LommeExit”. La question, c’est comment on refonde un partenariat entre les trois communes associées, non pas sur les bases d’un vivier électoral mais bien sur un projet de transition et de justice sociale.

Il vous reste quoi en commun avec l’équipe socialiste, malgré votre divorce ?

Je ne qualifierai pas l’équipe car il y a des personnes avec qui j’échange très cordialement, mais avec la tête de liste… [long silence] Je ne sais pas comment qualifier d’ailleurs ce qu’il nous reste… C’est un peu compliqué de qualifier quelque chose quand l’histoire se termine sur un mensonge. Car c’était le cas concernant le dépôt des listes pour le second tour. Donc là il y a de l’amertume. Clairement. Et très certainement aussi de l’incompréhension. Mais cette page est tournée et je fais la différence entre une baronnie locale et un parti.

Vous et votre équipe vous sentez-vous prêts à gouverner, et ce pour les six prochaines années ?

J’ai déjà rencontré des personnes pour des postes de direction, pour la construction de mon cabinet. Je n’attends pas le 29 juin matin pour me demander comment ça va se passer. J’ai pleinement confiance en cette belle machine qu’est l’institution municipale où l’on a des agents qui sont au service des politiques publiques et sur lesquels bien évidemment je m’appuierai.

Ce sera une désillusion si vous n’êtes pas élu maire ?

[Silence] Aujourd’hui, je ne me place pas dans cette perspective. La dynamique est clairement portée par “Lille Verte 2020” et quelque part, comme l’ont écrit certains journalistes, je n’ai rien à perdre. Je n’ai rien à perdre. C’est plutôt les Lillois qui auraient à perdre d’un quatrième mandat dont on peut se poser la question de la nécessité.

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