Élections municipales à Lille, Lomme et Hellemmes : un mois après, où en est-on ?
Le 15 mars 2020, il y a un mois jour pour jour, avait lieu en France le premier tour des élections municipales. Les Lillois, Lommois et Hellemmois étaient ainsi appelés aux urnes pour élire leur maire. Depuis, confinement oblige, la si bruyante campagne électorale s’est totalement effacée, et ses protagonistes avec, laissant un quasi no man’s land politique. Le Pépère News est parti à la recherche des candidats aux élections municipales de Lille, Lomme et Hellemmes afin d’en savoir plus sur leurs ressentis vis-à-vis de cette campagne qui n’en est plus une.
La soirée du dimanche 15 mars 2020 devait être une soirée électorale de ce qu’il y a de plus classique. Joies, déceptions, éditions spéciales à la télévision, réactions de candidats, puis tout le monde au lit avant de repartir dès le lendemain matin pour une dernière semaine de campagne électorale intense. Mais le Covid-19 en a décidé autrement. À mesure que les résultats s’affinaient, l’incertitude concernant la tenue du second tour, le dimanche suivant, grimpait. En fin de soirée, les candidats n’arrivaient même plus à cacher leur inquiétude et leur résignation derrière leurs traditionnels éléments de langage. Avec le recul, la soirée électorale du Pépère News en témoigne également. 24 heures plus tard, l’exécutif décide de ne pas maintenir le second tour initialement prévu le 22 mars. La campagne est mise entre parenthèses. À Lille, Hellemmes et Lomme, des dizaines de candidats se retrouvent au “chômage technique”, des centaines de militants sont, eux, dans l’incertitude.
La campagne du terrain au point mort, mais la campagne des idées continue
“Le lundi 16 mars au soir, j’ai donné deux coups de clé dans la serrure de notre local au 74 rue d’Artois, et je n’y suis plus retourné depuis.” Stéphane Baly, chef de file de la liste “Lille Verte 2020” arrivée en seconde position au soir du premier tour des élections municipales lilloises avec 24,5% des voix, évoque un sentiment prédominant depuis un mois face à cette situation sans précédent : la sidération. “La campagne, l’activité politique, n’est pas arrêtée, assure-t-il pourtant. Elle se poursuit seulement sous des formes atypiques.” Après avoir pris des nouvelles de tous ses colistiers, certains ayant été touchés par le Covid-19, le candidat et toute son équipe ont progressivement repris le travail, mais à distance. “Nous avons rapidement mis en place des visioconférences pour pouvoir continuer de se réunir à distance”, explique-t-il. Chaque semaine se tient ainsi une réunion du comité d’orientation avec les représentants des cinq partis engagés sur la liste, mais également un “apéro-zoom” avec l’ensemble des colistiers pour maintenir le collectif soudé. S. Baly résume finalement la situation ainsi : “La campagne est stoppée sur le terrain, mais pas sur le contenu.”
“Finalement, je me sentais un peu à côté de la plaque par rapport à cette soirée électorale où les gens me demandaient de commenter les résultats alors qu’il y avait une épidémie à notre porte.”
Julien Poix, tête de lise “Décidez pour Lille”
Un constat largement partagé par les autres protagonistes, dont Violette Spillebout, tête de liste de “Faire Respirer Lille”. S’il y a bien un avis qui rassemble tous les candidats, c’est que la campagne électorale n’est plus une priorité et qu’elle est devenue bien secondaire derrière les préoccupations sanitaires, locales comme nationales. La candidate du parti présidentiel, arrivée en troisième position avec 17,5% des voix, a elle aussi pris le temps de faire le tour de ses colistiers avant de se remettre pleinement au travail. Les visioconférences vont désormais bon train chez les Marcheurs et associés. “Il y a eu un temps de ré-organisation pour chacun d’entre nous, confie-t-elle. Mais nous avons repris les réunions hebdomadaires du collectif : chaque samedi matin, nous sommes entre 80 et 90 personnes connectées pour faire un point sur l’actualité et tirer des enseignements de cette crise pour l’avenir.” Le délégué général de La République en Marche, Stanislas Guérini, s’invitera d’ailleurs à la réunion prévue ce samedi 18 avril. En attendant une reprise active de la campagne, S. Baly et V. Spillebout travaillent aussi avec leurs élus municipaux sur le présent ; la candidate centriste appelle d’ailleurs à un “esprit d’unité, d’action et de solidarité entre les différentes forces du conseil municipal pour continuer de gouverner ensemble.”
Julien Poix (“Décidez Pour Lille”) et Marc-Philippe Daubresse (“Tous Unis Pour Les Lillois”), crédités respectivement de 9% et 8% des voix lors du premier tour, ont eux aussi énormément amoindri leur investissement autour de ces élections municipales. Le candidat Insoumis revient d’ailleurs sur cette soirée du premier tour : “J’ai senti cette ambiance particulière dès le dimanche [15 mars, ndlr]. Finalement, je me sentais un peu à côté de la plaque par rapport à cette soirée électorale où les gens me demandaient de commenter les résultats alors qu’on avait une épidémie à nos portes.” Les Insoumis lillois ont depuis repris le travail militant et associatif, prêts à repartir pour une seconde campagne électorale. En attendant, les manifestations se font en ligne, chaque samedi. Du côté de Marc-Philippe Daubresse, le confinement ne change pas grand chose : l’agenda est toujours aussi rempli. Le candidat de la droite a repris à plein temps ses activités sénatoriales, les parlementaires étant plus que jamais mobilisés au chevet du pays et de la démocratie française. “Franchement, nous n’avons pas la tête à la campagne électorale”, déclare l’ancien maire de Lambersart. L’heure est surtout à l’organisation : “Je suis en contact quotidiennement avec de nombreux Lillois, dont beaucoup de commerçants, car la crise économique qui arrive risque d’être fatale pour nombre d’entre eux.” Marc-Philippe Daubresse continue tout de même d’être en contact avec son équipe de campagne, et assure que les décisions concernant les futures échéances électorales seront prises collégialement.
Enfin, la maire sortante Martine Aubry voit son mandat prolongé comme tous les autres édiles de France – elle est arrivée en tête au premier tour à Lille avec 30% des voix. En attendant un second tour ou une nouvelle élection, elle continue d’exercer ses fonctions essentielles de maire. “Depuis le confinement, je suis à temps plein. Je tiens au courant tous les élus de ce que nous faisons, et je leur dis qu’ils sont les bienvenus pour faire tout type de proposition et travailler avec nous.” Vendredi 10 mars, M. Aubry a d’ailleurs réuni tous les présidents de groupe par visioconférence pour les informer mais également pour leur demander leurs propositions. Néanmoins, il faudra être encore un peu patient pour revoir une réunion de l’ensemble du conseil municipal ; plusieurs éléments “extérieurs” bloquent cette réunion, dont la validation du compte administratif par le contrôleur d’Etat. Il faudra attendre vraisemblablement la première quinzaine de juin, mais Martine Aubry l’assure : son souhait est de réunir le conseil municipal le plus vite possible. En attendant, les visioconférences avec les présidents de groupe et les maires de Lomme et Hellemmes continueront chaque semaine. Concernant la campagne électorale, la maire de Lille assure qu’elle “n’y pense même pas.”
À Lomme et Hellemmes, l’incertitude règne tout autant
Les communes associées n’échappent pas à la règle. À Lomme, le maire sortant Roger Vicot n’a pas fêté longtemps son bon score du premier tour – il a recueilli 45% des suffrages. Lui aussi a vu son mandat d’édile prolongé le temps du confinement. “Nous avons une multitude de choses à régler, que nous réglons différemment de d’habitude, fait-il remarquer. C’est une période très intense.” Et quand nous évoquons avec lui les élections municipales, R. Vicot est ferme : “Franchement, pour le moment, c’est le cadet de mes soucis. Notre campagne est complètement mise entre parenthèses.”
Du côté d’Hellemmes, Lucas Fournier, tête de liste de “Décidez pour Hellemmes” et benjamin de ces élections, voit son quotidien totalement chamboulé. “Heureusement, j’ai rattrapé mon retard et j’ai commencé La Casa de Papel (rires). Plus sérieusement, ça fait bizarre de passer de tout à rien. Je le redoutais déjà pour le 23 mars [lendemain du second tour, ndlr], mais c’est arrivé encore plus tôt.” Après une courte période de repos, les militants de son collectif se sont eux aussi remis au travail. “Nous nous sommes donnés pour rôle d’organiser la solidarité au niveau local, explique-t-il, notamment auprès des petits commerçants.” Malgré tous les efforts, L. Fournier avoue que les conditions de travail ne sont pas optimales : “Nous continuons à nous réunir en visioconférences, mais sincèrement, c’est très compliqué d’avancer sans avoir d’informations, notamment sur les détails techniques de l’élection. Nous sommes dans le flou, donc nous attendons des indications.”
De nombreux candidats sont soumis à un sevrage, à un “chômage forcé” qui tranche avec l’intensité habituelle de la campagne électorale.
Simon Jamelin, tête de liste d'”Hellemmes Verte 2020″ partage d’ailleurs la même vision que son adversaire Insoumis concernant ce premier tour : pour eux deux, ce fut “une grande mascarade.” La campagne mise entre parenthèses, le candidat écolo s’est recentré sur son activité principale d’enseignant – comme Julien Poix -, tout en continuant de gérer ses activités militantes à distance : “Nous avons pris une bonne semaine pour nous organiser, puis nous avons repris le boulot pour faire un bilan de notre campagne avant de préparer la suite.” L’activité politique concerne également le conseil communal hellemmois. Le candidat vert constate “que tous les élus, même de la majorité ne sont pas associés à la gouvernance de la commune”, et espère un retour rapide à une gouvernance commune et démocratique. Les élus écologiques préparent d’ailleurs plusieurs propositions. Enfin, d’un point de vue personnel, c’est face à “une situation un peu cocasse” que S. Jamelin s’est également retrouvé il y a un mois. Un retour à la normale imposé, mais nécessaire, que subissent tous les candidats, ou presque.
Les alliances d’entre-deux tours elles aussi mises entre parenthèses
La suspension de la campagne électorale a logiquement entraîné la suspension des traditionnelles tractations autour d’alliances en vue du second tour. Et l’annonce du report de ce deuxième tour au mois de juin a définitivement repoussé cet enjeu au second plan. Car, comme le dit Violette Spillebout, l’heure n’est plus à la “politique politicienne”, mais plutôt à la solidarité. À Lille, S. Baly (EELV) avait pourtant échangé dès le lundi 16 mars avec M. Aubry (PS) et J. Poix (LFI). Pas de négociations pour autant, et encore moins d’accord. Même schéma à Hellemmes, où des tractations entre les candidats de gauche ont émergé au soir du premier tour. Rien d’officialisé pour autant. Et depuis, évidemment, plus rien.
Car à la crise sanitaire qui complique les tractations s’ajoute également le fait que plus personne ne semble croire à l’hypothèse d’un second tour à la fin du mois de juin. Les candidats de Lille, Lomme et Hellemmes que nous avons contactés semblent tous privilégier l’hypothèse d’un bis repetita avec un nouveau premier tour, soit au tournant du mois de septembre, soit en mars 2021 avec des “super élections” rassemblant les municipales, les départementales et les régionales. Pas le moment donc de se lancer dans des alliances qui pourraient compromettre la place de certaines listes pour une toute nouvelle élection. On prend les mêmes et on recommence ?